Jeudi 12 septembre, Femmes au-delà des Mers a assisté au colloque « L’audace des Ultramarins » organisé par la Délégation interministérielle pour l’égalité des chances des Français d’Outre-mer et la Délégation sénatoriale à l’Outre-mer au Sénat, sous le haut patronage de M. Jean-Pierre BEL, Président du Sénat.
Cet évènement riche et intense rassemblait des élus, des parlementaires, des chercheurs, sociologues, historiens, acteurs associatifs et professionnels autour de l’audace des Ultramarins, un sujet surprenant peut-être mais qui guide l’action de la Délégation interministérielle depuis la nomination de Sophie ELIZEON à sa tête.
Cette rencontre renforce le bien-fondé des actions de Femmes au-delà des Mers qui cherche dans l’ensemble de ses projets à modifier le regard sur les populations de l’Outre-mer et qui apporte sa particularité en œuvrant à la correction du déficit de reconnaissance existant entre homme-femme en soulignant le rôle, le dynamisme, l’audace et la contribution de la femme d’Outre-mer dans le développement global.
Lors de la première table ronde, Myriam COTTIAS, présidente du Comité national pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage, s’est attachée à montrer comment au fil de l’histoire les Ultramarins ont été acteurs en combattant d’abord l’esclavage et la traite négrière puis la colonisation en s’attaquant aux fondements même du racisme.
Cette lutte pour l’égalité continue aujourd’hui puisque Philippe VITALE, membre du laboratoire méditerranéen de sociologie au CNRS-MHSH à l’Université d’Aix-Marseille, a présenté le combat des 1615 enfants réunionnais transférés en Creuse de 1960 à 1980. En 2002, Jean-Jacques MARTIAL a porté plainte pour « enlèvement et séquestration de mineur, rafle et déportation » mais n’a pas obtenu réparation symbolique jusqu’ici.
La seconde table ronde a mis en exergue les contours sociologiques des Ultramarins en Hexagone aujourd’hui. L’étude menée par l’institut de sondage Opinion Way à la demande de la Délégation interministérielle a permis de dessiner un portrait général des ultramarins : niveau de confiance, image, investissement associatif, sentiment face aux discriminations, à la diversité, aux quotas… Hugues CAZENAVE, Président fondateur, a présenté les principales conclusions de ce rapport.
L’intervention de Claude-Valentin MARIE a permis de compléter cette étude en considérant les parcours migratoires intenses, complexes et riches des ultramarins : depuis plus de 50 ans, chaque individu combine des trajectoires multiples qui compliquent la compréhension de ce phénomène global de migration et les réponses à y apporter.
Sophie ELIZEON a relevé quelques éléments essentiels de cette table ronde. Au sujet des discriminations, elle a remarqué que celles-ci impactaient particulièrement les ultramarins :
- Si les ultramarins sont plus confiants que les hexagonaux, leurs craintes se renforcent lorsque ceux-ci expérimentent la discrimination, ce qui est le cas pour 56% d’entre eux, contre 26% des autres hexagonaux.
- L’exercice d’une citoyenneté pleine et entière semble se détériorer en cas de discrimination : 56% des ultramarins qui en sont victimes déclarent se sentir avant tout français contre 64% de ceux qui n’en ont jamais subi.
- La transformation du marché de l’emploi hexagonal, tel que l’a présenté Claude-Valentin MARIE, implique des conséquences sur la mobilité des ultramarins vers et au départ de l’hexagone : les mutations des prérequis et des profils ne laissent de place qu’aux plus compétents des originaires des Outre-Mer. Le taux d’emploi des ultramarins est certes plus élevé que celui des autres hexagonaux mais cache en fait les difficultés d’insertion des moins qualifiés qui les oblige à faire des allers-retours entre hexagone et l’outre-mer dans une quête de compétences difficile.
- L’image médiatique doit s’améliorer : seulement 9% des ultramarins déclarent que l’image véhiculée par les médias des originaires est très bonne, aucune figure ultramarine du monde économique n’émerge. Les ultramarins n’ont pas encore une juste place au sein des représentations collectives.
La dernière table ronde a dessiné les parcours de réussite des ultramarins et les chemins pour y accéder. Serge LARCHER, sénateur de la Martinique, président de la Délégation sénatoriale à l’outre-mer, a rappelé le rôle essentiel des parlementaires pour rendre effective l’égalité des chances.
Dominique BAUDIS, défenseur des Droits, a insisté sur la situation mahoraise et sur les milliers de mineurs isolés venant des Comores et livrés à eux-mêmes, sans adulte référent ni éducation. Il a rappelé les discriminations subies par les ultramarins (logement, accès au crédit, transport aérien) et les recommandations générales pour y remédier.
Ferdinand MÉLIN-SOUCRAMANIEN, professeur de droit public à l’université de Bordeaux, a rendu compte de la constitutionalité des discriminations positives. L’autre pendant à l’égalité est l’égalité réelle rendue possible par les discriminations positives : cette expression souvent mal considérée consiste, à un moment donné, à rompre l’égalité en droit pour atteindre une égalité réelle pour des populations ayant subi des discriminations dans le passé. Cette logique de réparation, de compensation rencontre en France quelques difficultés : le mythe de l’égalité républicaine entravant sa réalisation. Pourtant le droit français permet de les mettre en place, notamment par rapport à l’outre-mer : le rapport du Comité Simone WEIL énumère ainsi tous les éléments de la constitution permettant son recours si on ne s’appuie pas sur des critères interdits comme la race ou l’origine.
Deux témoignages de terrain ont ensuite illustrés de manière positive le sujet : Estelle BARTHELEMY, Directrice Générale Adjointe de Mozaik RH, a présenté l’action de leur agence de recrutement. En partant du constat que les quartiers populaires regorgeaient de talents, notamment une excellence ultramarine, et que les employeurs étaient à la recherche de profils dynamiques, ils proposent de les mettre en relation en dépassant les préconceptions de chacun. A ce jour, ils ont accompagné plus de 5000 futurs salariés, mais ils interviennent également en l’entreprise dans la lutte contre les stéréotypes. Leur action est aujourd’hui un succès reconnu.
Daniel HIERSO, président d’Outremer Network, regrette que la situation des ultramarins soit toujours perçue sous le signe de la victimisation. Il regrette ainsi que la parole d’entrepreneurs innovants, créant de la valeur ajoutée ne soit pas valorisée. Pour illustrer la confiance des investisseurs privés, il rappelle que le plus gros investissement européen s’est fait en Nouvelle-Calédonie, par la société de La Mine du Nord. C’est suite au constat de ce décalage en 2009, qu’il décide de mettre en place des sessions de networking rassemblant plus de 3000 entrepreneurs. Le réseau développe des opérations comme « Osons l’Outre-mer » regroupant jeunes des quartiers et employeurs, ou depuis 2009, la « spéciale outre-mer » présentant l’élite ultramarine portant l’outre-mer dans l’innovation. Se présenter comme ultramarin en tant qu’entrepreneur représente ainsi un élément de marketing : cette carte le différenciant face à d’autres concurrents. Il propose ainsi de travailler sur les identités de manière assumée et de vulgariser les codes de l’entreprenariat pour ouvrir les portes aux jeunes.
Pour poursuivre ce colloque, retrouvez les vidéos de cette rencontre à la demande sur le site du Sénat : http://videos.senat.fr/video/videos/2013/video19535.html
Lisez le rapport de Opinion Way « L’audace des ultramarins » en ligne :
http://www.ultramarins.gouv.fr/wp-content/uploads/2013/09/BJ9443-Les-Ultra-marins-et-laudace-Pr%C3%A9sentation-des-r%C3%A9sultats-VSenat.pdf
Retrouvez le discours de Sophie ELIZEON sur le site de la Délégation interministérielle :
http://www.ultramarins.gouv.fr/laudace-ultramarine-en-hexagone-2/
Crédit photographique : Sénat
Septembre 2013
GALLY Vanessa
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