Hommage à Mimi Barthélémy

Hommage à Mimi Barthélémy

Mimi Barthélémy, « ti moun fou », est morte le 27 avril 2013

Hommage par  Kathleen Gyssels, membre de Femmes au-delà des mers

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« Honneur et Respect, Messieurs Dames la Société ! », c’était la phrase rituelle avec laquelle Mimi Barthélémy entamait ses veillées de chants et de contes, à Bruxelles (où je l’ai rencontrée pour la première fois), à New York, Madrid ou encore  aux antipodes (Australie, Nouvelle Zélande). Entremêlant tantôt créole et français, ou dans un français pimenté de créolismes, Mimi était plus qu’une intellectuelle, une véritable chroniqueuse et performante sur scène des genres les plus souvent déconsidérés : fables pour enfants, contes ruraux, fresques de la vie quotidienne du petit peuple haïtien. Ayant puisé dans les travaux de Suzanne Comhaire-Sylvain (voir Ile en Ile), Mimi Barthélémy était devenue une griotte célèbre qui a tourné dans  le monde avec ses nombreux spectacles pétillants de joie et de malice. C’est chez, Jean Comhaire, à Bruxelles, encore, que Mimi avait trouvé  diverses  « sources » où  puiser pour ses montages théâtraux. Le Roman de Bouqui et les Contes de la Maman d’eau, notamment.

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Née à Port-au-Prince, le 3 mai 1939, descendante d’un président de la République dont elle n’allait pas se vanter (contrairement à certains de sa génération), Mimi a fait ses études en Haïti et en France. Elle était détentrice d’un doctorat d’études dramatiques et avait publié de nombreux livres, surtout des contes en français créolisé, créés ou travaillés à partir des traditions haïtiennes. En tant qu’épouse de Gérard Barthélémy, Mimi a pris soin de faire découvrir l’héritage riche de l’ex-Saint-Domingue. Exactement comme Michel-Rolph Trouillot (1949-2013) en histoire et en anthropologie, la dramaturge et conteuse fusionne plusieurs disciplines et fait « créoliser » l’art du conte ; elle a pris sur elle la tâche de montrer l’oraliture et de produire sur scène les cycles animaliers ou des personnages paysans, dont entre autres Cric ? Crac ! les Fables de La Fontaine racontées par un montagnard haïtien (1911) de Georges Sylvain, rééditées récemment dans la collection « Autrement mêmes » de l’Harmattan.

mimiB Hommage à Mimi BarthélémyAvec « Les perles de Zima » et les « Contes d’Haïti » (2011) paraissent toujours dans la même tradition populaire des contes relatifs aux aventures du rusé Malice et de Bouki, son compère un peu simplet. Dans ses contes, elle tisse les deux langues, le français et le créole, dans le souci de transmettre ce qu’elle a reçu en partage et d’en être le témoin à part entière au sein de la francophonie. Elle a aussi écrit des pièces de théâtre et des nouvelles, mais  on note avec admiration qu’elle est seule sur scène, accompagnée certes de musiques mais elle occupe tout le « décor » dans ses costumes riches et damés, tant la présence radiante, radieuse et  électrique était forte.  Au sortir d’une soirée de spectacle, Mimi avait encore le temps et la bienveillance de nous accorder des entretiens et de nous partager son amour pour les auteurs antillo-guyanais et haïtiens. Ainsi me faisait-elle découvrir en 1994 Edwidge Danticat dont franchement je n’avais encore rien lu , ou encore  Léon-Gontran Damas dont les Veillées noires étaient dans sa bibliothèque de « poche », tant il s’agissait d’une inspiration constante.

Au cours de sa carrière théâtrale, d’écrivaine et de conteuse, Mimi Barthélémy a reçu de nombreuses distinctions en 1992 le Prix Arletty de l’Universalité de la Langue Française ; en 1999 le Becker d’Or, 3ème Festival de la Francophonie ; en 2000 Chevalier de l’Ordre National du Mérite, en 2001 Officier de l’Ordre des Arts et des Lettres et en 2011 Chevalier de la Légion d’Honneur. Terrassée à l’âge de 74 ans par une crise cardiaque samedi matin, le 27 avril 2013, l’épouse de G. Barthélémy et mère d’Elodie, plasticienne remarquable et illustratrice des livres pour enfants, vient de nous quitter. La Franco-Haïtienne s’est beaucoup fatiguée sur la scène où elle jouait encore il y a une dizaine de jours «Le Code Noir et ses musiques[1]», jusqu’à ce que le spectacle soit annulé pour cause d’accident cardio-vasculaire.

Mimi n’ouvrira plus ses spectacles de contes, de chansons et de théâtre et nous sommes tristes d’avoir perdu une guerrière de l’imaginaire aussi vaillante, encore dans la force de son art verbal qui exportait la culture haïtienne aux quatre coins du globe.

Le site de Mimi Barthélémy : http://www.mimibarthelemy.com

 

Texte du prof. dr. Kathleen GYSSELS, membre de Femmes au-delà des Mers.

Si vous souhaitez suivre Kathleen GYSSELS :  http://www.ua.ac.be/postcolonial

Crédits photo : © Compagnie Ti Moun Fou – 2004-2014  et Boris Wilensky


[1] Avec Amos Coulanges. Le spectacle entremêle musiques savantes du XVIIIème, musiques créoles, récit et lectures du code noir.

FAM

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