Pratiquement 30 ans après sa publication, le roman de Maryse Condé, « Ségou », est encore brûlant d’actualité et prend aujourd’hui un écho particulier.
Ce jeudi 19 septembre, alors qu’est célébrée, deux semaines après son investiture, une cérémonie en l’honneur de président Ibrahim Boubacar Keïta, le président français François Hollande est accueilli en grand héros, comme celui qui a permis d’éviter l’« effondrement d’un état et de l’armée » (France Inter, journal de midi).
La situation malienne actuelle ne peut que rappeler, celle que décrit Maryse Condé avec tant de justesse et de finesse.
Cette saga africaine commence en 1795, dans une ville fortifiée aux murailles de terre : Ségou, capitale inaccessible d’un riche royaume bambara. Maryse Condé dresse savamment le destin de cette cité qui vit les dernières heures de son apogée : traite des Noirs, expansion de l’Islam, guerre sainte…la région et la vie de ses habitants sont irrémédiablement bousculées.
Dans l’émission littéraire Apostrophes, en 1984, Maryse Condé, explique que les habitants sont séduits par cette religion monothéiste, pourtant à l’opposé de leurs croyances animistes englobant la pluralité du monde. Cette conversion, ajoute-t-elle, a été facilitée par un islam conciliant, qui s’est adapté aux conditions des croyants, alors que le catholicisme présentait des aspects mutilants. Les Peuls, alors « parents pauvres de cet opulent royaume », et les Toucouleurs ont notamment puisé dans cette religion conquérante la force de lutter pour leur reconnaissance et leur suprématie.
De cette épopée – de l’apogée d’un royaume à sa perte, du choc des religions et des économies – émergent des destinées humaines qui aujourd’hui résonnent d’une manière particulière. Les réalités sont bien trop semblables entre la Ségou décadente du XVIIIème siècle et le Nord Mali d’aujourd’hui.
Il ne s’agit plus du royaume florissant de Ségou qui tremble sous l’effet de la guerre sainte, mais c’est bien la même région, l’actuel Mali, qui était, il y a si peu encore, secoué par des tensions religieuses et politiques.
Le roman de Maryse Condé est un livre qui ne vieillit pas mais qui se révèle une parfaite grille de lecture pour comprendre les enjeux du présent comme le révèle son interview par Bernard PIVOT sur Antenne 2, le 8 juin 1984 dans Apostrophes :
Relisez la critique publiée lors de la sortie de Ségou par Guy Ossito Midiohouan. « Livres lus » in « Peuples Noirs Peuples Africains » no 40, 1984, p.83 : http://mongobeti.arts.uwa.edu.au/issues/pnpa40/pnpa40_08.html
Septembre 2013
Gally Vanessa
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