Mercredi 23 octobre le Sénat, sous le haut patronage de Jean-Pierre BEL et sous la direction de la Délégation sénatoriale à l’Outre-mer, rendait hommage à Aimé Césaire en abordant l’actualité de son œuvre et de ses discours. Femmes au-delà des Mers s’est rendu à cette rencontre qui rassemblait les sénateurs de l’Outre-mer, la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, acteurs associatifs, politiques et littéraires.
Jean-Pierre BEL, Président du Sénat, a rappelé qu’Aimé Césaire a changé notre vision du monde et qu’à ce titre un hommage apparaissait comme une évidence. Si l’homme politique a disparu il y a de cela cinq ans, la puissance incantatoire de sa poésie reste entière a-t-il ajouté.
A travers une riche lecture de textes présentés par l’écrivain Daniel Maximin, lus avec verve par les deux comédiennes Mylène Wagram et Marie-Noëlle Eusèbe, les auditeurs présents ont pu voyager dans la puissance de son vers et dans sa conscience politique où se mêlent action et contemplation. Une table ronde, animée par Marijosé Alié-Monthieux, s’en est suivie rassemblant le Président de la Délégation sénatoriale à l’Outre-mer, Serge Larcher, les professeurs de littératures francophones, Christiane Chaulet-Achour et Romuald Fonkoua et Daniel Maximin.
De la négritude à l’homme politique
Nous avons suivi le parcours d’Aimé Césaire à travers la lecture de ses textes : d’une première conscience de solidarité, représentée par la négritude et s’accomplissant dans la poésie, nous avons évolué vers ses premiers textes politiques. Bientôt, devant son questionnement sur la départementalisation impuissante à réformer en profondeur les problématiques engorgeant la Martinique, l’émancipation lui apparaît comme le seul moyen de régler les problèmes des martiniquais selon leur optique et leurs besoins.
Départementalisation ou émancipation ?
Convaincu que la départementalisation n’était pas la solution mais simplement une étape vers une plus grande autonomie, le politicien refuse de forcer la main à son peuple, comme l’expliquera Serge Larcher, il choisit de l’accompagner à son rythme, de le guider. L’indépendance, ajoutera Romuald Fonkoua, en même temps qu’elle l’attirait, l’effrayait terriblement, car il observait dans les nouvelles indépendances des dictatures en puissance : il estimait que l’indépendance nécessitait une préparation et ne représentait pas une fin en soi mais un moyen.
Le théâtre au service d’une réflexion sur la décolonisation
Daniel Maximin, en parlant du théâtre de Césaire, le présente comme une sortie de sa solitude, « un soleil politique de la scène » où se croisent espérance et désespoir et qui lui permet de proférer et prophétiser au travers d’un héros représentant la puissance du peuple. Dans « Une tempête », à travers les personnages de Caliban et d’Ariel, Aimé Césaire oppose deux visions de la décolonisation : celle qui se bat contre l’oppresseur et celle qui cherche à l’humaniser pour lui faire prendre conscience de son erreur.
Parmi tous les morts de la lutte pour l’émancipation des peuples noirs : Martin Luther King, Malcom X, Lumumba, Sankara… Jean-Marie Tjibaou est sans doute l’homme qui incarne le mieux Ariel, celui qui a tenté de donner de l’humanité au processus de décolonisation. Dans l’hommage que lui rend Césaire en 1990, il salue la générosité d’un homme qui croyait en la générosité de son prochain et même en celle du colon, inventant ainsi « la voie kanak de la décolonisation ».
A l’heure où la Nouvelle-Calédonie est à l’aube d’une ère nouvelle, il est bon de rappeler cet hommage, envers un peuple qui aura su mettre en œuvre une décolonisation conciliée et qui aujourd’hui encore se pose la question « Comment être kanak dans le monde moderne ? ».
Synthèse : Vanessa Gally, octobre 2013
Crédits photographiques : Archives de l’Assemblée nationale – SERMAC (Ville de Fort-de-France), Sénat et Vanessa Gally
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