C’est un évènement habituel maintenant, et presque attendu par les proches de Femmes au-delà des Mers (FAM). Mercredi 20 mars 2013, s’est tenue l’assemblée générale ordinaire de l’association ordinaire de l’association à la Maison des Associations, une occasion pour se retrouver et fêter ensemble l’arrivée du printemps.
Adhérents, partenaires et amis de l’association se sont rassemblés autour de la thématique : « Femmes au-delà des Mers en Toutes Lettres ! »
Nous avons eu le plaisir d’accueillir entre autres personnalités la Déléguée interministérielle à l’égalité des chances des Français d’Outre-mer, Sophie Elizéon et le délégué du préfet de Sarcelles, Antoine Prudent, accompagné de Madame Lakhdari, directrice de l’ONDOM (Observatoire National des Originaires d’Outre-mer).
La soirée s’est déroulée en trois temps :
1) Tenue de l’Assemblée Générale Ordinaire
2) Présentation des activités et des projets de FAM
3) Regards croisés d’ici et d’ailleurs : temps d’échange avec les personnalités et les auteurs présents
CÉLÉBRATION DU PRINTEMPS
Tout de suite après les obligations statutaires, Nahideh ANZALICHI, Présidente d’une association amie « Association Culture Libre » nous a présenté Norouz, le nouvel an persan, qui correspond à l’équinoxe de printemps. C’est une fête nationale en Iran et depuis 2010, l’ONU l’a reconnue comme fête internationale. Sur la traditionnelle table HaftSîn, de Norouz dressée à notre intention, Nahideh décrit les 7 objets symboliques commençant par la lettre « S » et représentant sept créations et les sept immortels nous protégeant. Voici quelques exemples apposés sur la table : serkeh (vinaigre) symbolisant l’âge et la patience, sîb (pomme) représentant la bonne santé et la beauté et sabzeh (germes poussant dans un plat) pour la renaissance.
Regards croisés sur la transmission et le patrimoine
Un temps d’échange littéraire et convivial
Les auteures présentes dans la salle ont pu s’exprimer lors d’un riche débat sur le sujet au cœur de l’association : « échanges de savoirs et transmission ». Le point de vue littéraire sur la question a ouvert une nouvelle dimension à la discussion. La littérature permet-elle transmission, échange, mémoire et patrimoine ?Vie littéraire, vie associative, quels échos, quelles résonances ?
Julienne SALVAT
Cette auteure, ancienne enseignante et militante d’origine martiniquaise, partie vivre à la Réunion, nous a livré une bonne leçon de vie en rappelant que la spécificité de la femme de l’Outre-mer est qu’elle n’en a pas. L’objet de l’association, selon elle, serait de souligner comment les cultures, les races, les histoires s’imbriquent les unes aux autres et prouver ainsi qu’il n’existe aucune pureté, aucune authenticité.
Michelle CESAIRE
Le titre même de l’association l’a interpellée, « Femmes au-delà des mers » est en elle-même un concept qui mérite réflexion. Par ailleurs, remarque-t-elle, la société repose sur le travail des femmes peu reconnu. Il n’y a pas un homme qui ait percé sans une femme derrière. Aujourd’hui, la vie des femmes ultramarines est difficile, il y a indubitablement un combat à mener. Le patrimoine qu’il faut défendre et transmettre est, selon elle, le patrimoine intellectuel. Au quotidien, la culture est transmise par les mères et les grands-mères. Le rapport au père est généralement plus distant, bien qu’aujourd’hui les liens et les rapports familiaux se modifient rapidement. Michelle Césaire rappelle que beaucoup de filles deviennent mères très jeunes, leur précarité et le nombre d’enfants à charge empêche une juste transmission c’est pourquoi selon elle, l’objet de FAM est si important et doit permettre une transmission qui n’est plus toujours effective au sein de la famille.
Monique RAIKOVIC
Le témoignage de Monique Raikovic est avant tout celui d’une rencontre : « J’aime la différence, plus je m’étonne, plus j’ai envie de connaître, plus on se rend compte qu’on n’est pas si différent. » Elle raconte comment est née son inspiration pour son livre « Mama Mondésir ». Alors qu’elle travaillait encore à l’hôpital une guadeloupéenne s’est présentée : une sculpture de femme forte avec un nom qui la fit rêver: Mondésir. Subitement, elle ressentit la volonté d’écrire l’histoire qu’incarnait cette femme, un personnage vivant. Le premier jet ne la satisfit pas. On n’y croyait pas. Soudain, telle une évidence, elle comprit que le roman n’aurait de sens qu’écrit en créole. D’ailleurs elle ne put que s’étonner lorsqu’elle réalisa que personne n’écrivait en créole. C’est ainsi qu’a commencé l’histoire de « Mama Mondésir » qui n’est qu’une partie de sa quête vers un « Panthéon des différences ».
Aïcha et Sylvie CONDE
Interrogées sur leur rapport à la transmission, notamment via la littérature, les filles de Maryse Condé, ont donné leur compréhension de la situation. Leur rapport à leur mère, est un rapport profondément prosaïque. Pour elles, Maryse Condé, est Madame Tout le Monde. L’écriture fait partie de la sphère publique de Condé, la sphère privée, étant la dimension à laquelle elles avaient accès, recelait une autre personnalité. Dédoublement entre vie publique et vie privée : un cloisonnement pour protéger sa vie familiale qui a peut-être empêché une complète transmission. Aïcha confie ainsi être parfois étonnée lorsqu’elle participe à des rencontres autour de l’œuvre de sa mère car elle découvre toujours des facettes qu’elle ne connaissait pas d’elle. Sylvie ajoute que leur mère représentait une entrée vers l’Outre-mer et pourtant son choix de vie a été celui de partir vers l’Afrique, d’opérer un retour en arrière. Ce choix de vie a été très beau pour ses enfants.
Roselaine BICEP
Pour Roselaine Bicep, écrivaine et adhérente de FAM, l’objet de l’association est une aventure en soi. Un défi est à relever, selon elle, au sein de FAM : comment communiquer ensemble ? Sa curiosité envers l’association réside dans ce questionnement a priori simple. Comment des femmes, originaires de tant de régions différentes, avec des cultures et des compréhensions du monde si diverses, vont-elles réussir à communiquer ensemble et à partager leurs points de vue ?
Nicole MAYMAT
La rencontre de Nicole Maymat avec l’au-delà des mers est née de l’écriture. En effet, son éditeur lui lance un jour un défi qu’elle relève : suivre son personnage à travers les siècles. La voici donc au XVIème siècle où elle assiste à la conquête espagnole, à la destruction des dernières tribus Arawak et à l’arrivée des premiers esclaves, puis elle suit un personnage au XVIIIèmesiècle entre Nantes, Saint-Domingue et le Bénin. Pour écrire, ces différents romans, elle a tenu à se rendre sur place pour vérifier les faits et s’imprégner de ces univers. Elle a ainsi découvert l’au-delà des mers un peu par hasard, en traçant la généalogie de ses personnages. L’écriture lui a permis une véritable intrusion au sein de mondes, d’histoires et de cultures avec lesquels elle a dû se familiariser en cherchant à créer des ponts. Le pari est réussi puisqu’elle raconte avec amusement que l’illustrateur de « Vanille » fut très surpris lorsqu’il l’a rencontra physiquement : « Il pensait que j’étais noire et c’était pour moi le plus beau compliment que l’on puisse me faire ! »
La parole à la salle
D’autres intervenants ont pu prendre la parole offrant leur compréhension de l’objet de Femmes au-delà des mers. Comment les femmes et les hommes d’au-delà des Mers appréhendent-ils ces thèmes ?
Claude SATINET
Adhérent avec sa femme, M. Satinet a expliqué que son engagement au sein de Femmes au-delà des Mers cherche à prolonger son intérêt pour l’Outre-mer et donner une dimension nouvelle aux relations qu’il entretient avec les personnes résidant au-delà des mers.
Christian COIFFIER
Nouvel adhérent, Mr Coiffier, anthropologue, maître de conférences au Muséum national d’Histoire naturelle et chargé de mission au Musée Quai Branly.Il travaille depuis plusieurs années sur les voyages de La Korrigane : une des dernières expéditions anthropologiques à laquelle a participé durant deux ans environ une équipe de cinq scientifiques accompagnés de neuf marins. Il a par ailleurs, travaillé durant de nombreuses années dans le monde océanien où il a étudié les interactions entre les populations et leur environnement végétal à travers leurs techniques.En Nouvelle-Guinée, il dit avoir remarqué une spécificité des femmes : en premier lieu elles travaillent beaucoup. En second, lorsqu’il leur posait la question « Pourquoi aimeriez-vous partir vivre en ville ? » elles répondaient pour nourrir plus facilement la famille, pour l’éducation des enfants,…tandis qu’à la même question les hommes répondaient : « Pour rencontrer de nouvelles femmes » !
Sophie BRAHIC
Sophie Brahic, chargée de mission au sein de l’association Génériques, en rappelant l’historique de son association, dresse un parallèle avec FAM. Il y a 25 ans de cela, Génériques naissait afin de préserver une mémoire qui disparaissait celle des migrants. En partant du constat que ce ne sont pas seulement les institutions qui détiennent le monopole de la mémoire, Génériques a révéléque les personnes elles-mêmes possédaient des fonds précieux à conserver. Dès les années 80, l’association a donc commencé à récolter ces données. Aujourd’hui forte de ce fonds, la valorisation est une nouvelle étape à mettre en œuvre : celle-ci passe par la numérisation et la transmission. Un rapprochement entre les deux associations est donc vivement souhaitable.
Martine LEVY
En tant que vice-présidente de LA CLEF (coordination française pour le lobby européen des femmes), Mme Levy a souhaité rappeler que sa fédération regroupe également des femmes mais autour d’un continent qu’est l’Europe. La solidarité dans son cadre européen apparaît souvent abstraite et la Clef s’évertue à la rendre plus réaliste en favorisant l’interconnaissance. Si beaucoup d’associations membres de la Clef sont liées à l’immigration africaine peu d’organisations de l’Outre-mer y sont représentées. C’était donc une opportunité pour la Clef que d’accueillir FAM au sein de ce réseau car cela permet aux métropolitaines et aux européennes de la fédération de découvrir des femmes différentes qui rencontrent des problématiques similaires. Croiser les expériences, les évolutions, les difficultés permet donc d’en avoir une compréhension plus complète et de mieux avancer ensemble grâce au partage et à la rencontre.
Nous tenons à remercier l’ensemble des participants pour la qualité de cette rencontre et espérons que ceux qui n’ont pu être des nôtres auront l’opportunité de nous rejoindre lors des prochaines manifestations FAM de 2013.
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