Au cours de la soirée organisée à l’occasion de l’assemblée générale le 5 mars 2014, Femmes au-delà a abordé le thématique du patrimoine culturel, sujet crucial, en mettant en écho les actions mémorielles de trois associations.
Représentants d’institutions et d’associations culturelles, délégations des collectivités d’Outre-mer, partenaires, adhérents et sympathisants se sont réunis pour partager leur vision du patrimoine; à l’image du réseau FAM, l’assemblée issue des quatre coins du monde représentait la diversité des éclairages promue par l’association.
Valentin Narbonnais, d’Outre-mer radio, a introduit le propos en interrogeant l’assemblée sur les moyens de valoriser ce patrimoine commun.
Question à laquelle Dominique Renaux, animateur de projets mémoriels au sein du Collectif Fusion, a apporté son éclairage en traitant
« L’Outre-mer : comment être passeur de l’Histoire ? »
Intervenant en Banlieue Nord, leur action interroge la complexité de nos sociétés dans un contexte multiculturel où le monde est représenté dans sa diversité. La revue Sakamo se nourrit des archives familiales recueillies dans les greniers et associent ainsi pleinement les habitants mais aussi le public scolaire dans cette initiative.
Quelle est la place de la mémoire pour ces jeunes face à la complexité de l’Histoire ? La question de l’esclavage et de la victimisation comme construction identitaire émergeant rapidement auprès de ces jeunes populations : L’idée était donc de revenir sur les différentes phases de migration de peuplement aux Antilles puis vers l’Hexagone.
A travers l’analyse de l’iconographie, il a révélé de quelle manière les préjugés de classe, de race sont assimilées et transmis. La photo familiale prise autour des années 60 de deux fillettes endimanchées, tranche avec la photo du marché de Pointe-à-Pitre prise par des touristes dix ans plus tard : les réalités ne sont pas les mêmes et offrent des visions certes antagonistes du monde mais tout aussi prégnantes.
Dominique Renaux, a insisté sur la nécessité de sauvegarder le patrimoine et de s’interroger sur ce que l’on veut transmettre aux générations futures. Dans un projet patrimonial, il faut toujours savoir à qui l’on s’adresse et dans quel but ? A toutes les étapes, le public cible doit donc être acteur de ce projet mémoriel.
Réalisation d’un premier échantillon
La présentation de l’échantillon d’archives autour d’Aimé Césaire réalisé pour FAM a permis d’illustrer l’exposé et de prolonger la réflexion sous un angle complémentaire.
En 2013, l’opération Patrimoine Unique et Privé a été concrétisée par une convention avec Génériques et a abouti à un inventaire d’une vingtaine de pages. Le fonds porte sur les auteurs de la littérature négro-africaine des années 60 à aujourd’hui.
Que ressort-il de cet inventaire ? Une première remarque : le fonds constitué au fil du temps offre autant de connaissances sur la thématique que sur le propriétaire lui-même : en effet c’est lui qui sélectionne, choisit et conserve des documents. Le fonds est donc avant tout le reflet du parcours de cette personne.
Quel est l’intérêt d’un inventaire ? Il s’agit d’abord, comme l’a rappelé la chargée de développement, d’un point d’entrée sur un fonds plus large et envisager d’autres prolongements. L’étude qu’elle a rédigée sur le contexte et la constitution de ce fonds complète l’inventaire et donne vie et sens à la démarche de préservation et de transmission.
Un regard archivistique sur cette question
L’intervention de Sophie Brahic, archiviste qui a réalisé l’inventaire chez Génériques, a permis de souligner l’intérêt historique et patrimonial du fonds d’un point de vue professionnel.
Elle a d’abord présenté Génériques et la rencontre entre les deux structures : la concordance existant entre les deux associations : les fondateurs de Génériques ont été animés par le même souci de conservation autour des archives associatives de l’immigration et de la question de la transmission de la mémoire. FAM a aujourd’hui le même objectif que celui qui a présidé à la création de Génériques, il y a de cela vingt ans, mais en ciblant particulièrement les Outre-mer : « préserver, sauvegarder, valoriser » des archives susceptibles de disparaître.
Le principal intérêt pour traiter un fonds est avant tout de ne pas le perdre rappelle l’archiviste: identifier les documents permet de savoir où ils sont et surtout le papier, tout comme le numérique aujourd’hui, est très volatile, l’inventorier permet d’en garder une trace.
Faire patrimoine : du singulier à l’universel
La mise en lumière des documents privés met en évidence le caractère inédit et collectif du patrimoine de l’Outre-mer.
Lorsque l’on observe cette collection, qui est loin de se limiter à la seule personnalité de l’écrivain martiniquais, les documents apparaissent tout autant comme les traces du parcours personnel du propriétaire mais, ils illustrent surtout, en contre point, une histoire universelle : celle d’une réflexion permanente sur la place culturelle, politique et sociale des populations « négro-africaines » à travers les époques.
Suite à ces trois interventions la salle a eu des nombreuses remarques, que ce soit autour de la collecte d’archives orales, de recherche documentaire sur les parcours de migrations antillaises avant le Bumidom, des propositions de soutiens, d’apport de documents et des propositions de projets à développer en inter-associatif pour récolter des images permettant à tous de participer.
Hélène Guiot, ethno psychologue a souligné que, dans cette optique, les associations jouent un rôle essentiel du fait de la proximité avec les acteurs.
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